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Les scribouilles

écriture (notes, roman, nouvelles, textes...) lecture et curiosités en partage

Le vent dans les saules (5ème partie)

La fenêtre se referma et j'attendis quelques instants jusqu'à ce que la porte s'entrebâille. La silhouette de Nathan se découpa dans la lumière puis, ils 'approcha de moi. D'une chiquenaude, il envoya le mégot de sa cigarette dans l'air. Le petit point incandescent voltigea un instant puis il s'écrasa à quelques mètres dans une petite gerbe d'étincelles.

 

Nathan : « Alors Nico, ça fait un bail qu'on ne s'est pas vu !

 

Moi : Oui, il faut dire que j'ai eu un retour assez difficile au manoir. Ce soir, j'ai profité que tout le monde s'était retiré pour faire le mur.

 

Nathan : Je parie que tu as envie de revoir ma sœur. Je me trompe ?

 

Moi : (en bafouillant) Non, non, je t'assure...

 

Nathan : Allons, tu ne me la feras pas à moi, tu dois bien avoir envie de la revoir. D'ailleurs, elle m'a parlé de toi. Marion, que je lui ai dit, le petit Nico voudra sûrement te revoir.

 

Moi : Elle s'appelle Marion ?

 

Nathan  Oui. (D'un air mi-amusé, mi-sérieux) Elle est un peu vieille pour toi, tu sais, elle a 19 ans.

 

Moi : (dépité) Tu crois ?

 

Nathan : Ne t'inquiète pas, on va arranger ça. Disons, demain soir, vers 11 heures ? Tu me retrouves au croisement de la route vers la ville, là où on s'est rencontré. On va se faire une petite virée à plusieurs, avec ma copine. Ok ? A demain soir !

 

Moi : A demain, Nathan ! ».

 

Il s'éloigna de son pas nonchalant, mains dans les poches et je me retrouvais seul dans la nuit, face à mon destin.

 

 

De retour dans ma chambre que j'avais regagné sans encombres ni rencontres indésirables, je m'allongeais de tout mon long sur mon lit, la tête posée sur mes bras repliés.

 

Au plafond, une mouche voletait, m'exaspérant par son grésillement ininterrompu.

J'imaginais sa vie sans problème, sa naissance sous forme de larve et sa mort, emprisonnée dans la toile d'une araignée vorace.

 

Dans quelle aventure allais-je m'embarquer en continuant à fréquenter Nathan et ses manières de mauvais garçon ?

Qu'allais-je bien pouvoir trouver à dire à Marion pendant toute une soirée ? Comment fallait-il faire pour conquérir une fille ? Allait-elle me prendre au sérieux, moi, le petit jeunot osant lever les yeux vers ce beau papillon ?

 

Mais qu'est ce que j'étais sensé faire, dire, penser, espérer ??

 

Le grésillement de la mouche redoubla furieusement. Je lançais un livre au plafond et lorsqu'il retomba, une petite tâche noire avait remplacé l'insecte bruyant.

 

Après tout, il suffisait peut-être de se laisser porter par les événements et faire confiance au destin, sans le craindre, juste l'apprivoiser...

 

Le sommeil mit du temps à venir s'emparer de moi et les heures de la journée du lendemain s'égrenèrent avec une lenteur désespérante.

 

Je m'angoissais de plus en plus, incapable de fixer mon esprit plus de quelques secondes sur quoi que ce soit.

 

Pour tenter de retrouver un peu de sérénité, je grimpais dans les saules et j'admirais la vue que j'avais à partir du haut des  arbres. Le manoir et le parc attenant s'étalaient sous mes pieds, riche, prospère et je me pris à détester cet endroit, cette prison dorée qui m'étouffait au nom d'une vieille famille huppée.

 

Je montais plus haut dans les branches pour m'échapper de ce cauchemar et je fermais les yeux soudainement pris d'un vertige.

 

Le vent caressait mon visage et chuchotait une chanson envoutante à mon oreille, celle des lieux qu'il avait parcourus avant d'arriver à moi, celle de la liberté d'aller et venir à son gré, de respirer, d'aimer à sa guise et sans entraves...

 

Légèrement enivré par les éléments, je redescendis dans les branches, d'un pas mal assuré et, pour la première fois je loupais une prise.

La branche craqua sous mes pieds et je me rattrapai d'une main par un réflexe miraculeux. Je mesurais soudainement combien, en cet instant,  était ténu et fragile ce fil qui me rattachait à la vie. Il suffirait que je desserre mes doigts un à un pour aller m'écraser au sol, au pied de l'arbre.

Le vent emporta mes pensées morbides au loin et je suppliais en moi-même : « Faites que Marion m'aime, je vous en prie, je donnerai tout pour qu'on m'aime juste un peu, je veux être heureux, je veux qu'on m'aime à tout prix ! ».

Le cœur serré, je me balançais dans les branches par la seule force de mes bras puis je finis par redescendre jusqu'au sol et regagnais le manoir en trainant des pieds.

 

 

Vers 22H30, alors que tous étaient retirés, j'enjambais ma fenêtre et passais le mur à l'endroit habituel.

J'avais pris grand soin de mon apparence, espérant cacher mon trouble et donner le change auprès de Marion. L'habit ne fait pas le moine ainsi que le dit l'adage mais du moins, je tentais de me convaincre qu'il allait m'aider à avoir une contenance.

 

J'étais mort de peur, paralysé par l'idée même de ce premier rendez-vous.

 

Sur la route poudreuse que je devais suivre jusqu'au lieu de rendez-vous, je cueillis quelques fleurs que j'assemblais en un petit bouquet chétif.

 

Est-ce que Marion allait trouver mon attention envers elle ridicule ?

 

Absorbé par mes pensées, je ne m'étais pas rendu compte que j'approchais de Nathan. Il m'attendait, assis sur un talus au bord de la route, avec son éternelle cigarette collée aux lèvres. Il se leva pour venir à ma rencontre et, de peur de paraître ridicule à ses yeux, je cachais prestement mon petit bouquet dans mon dos. Il me donna une tape sur l'épaule et s'exclama :

 

Nathan : « Salut, Nico ! En forme ?

 

Moi : Oui, ça va.

 

Nathan, Bien, très bien, tu vas voir, on va passer une chouette soirée, on va bien s'amuser. Marion est impatiente de faire un peu plus ta connaissance.

 

Moi : Ah bon, elle t'a parlé de moi ?

 

Nathan : (dans un éclat de rire) ah, ah, ah... je crois qu'il n'y a pas qu'elle qui est impatiente, n'est ce pas ? Dis-donc, tu m'as l'air bien tendu ? Ne t'inquiète pas, joli cœur, tout va bien se passer... avec la jolie petite gueule que tu te paies, tu n'as pas de souci à te faire. »

 

Loin de me mettre en confiance, les propos de Nathan faisaient peser sur moi un nouveau trouble. Je n'avais déjà pas une grande confiance en moi-même et ses paroles me jetaient dans une nouvelle réflexion.

Marion avait elle réellement voulu me revoir pour moi ou juste pour ma soi-disant apparence avenante ? Si je réfléchissais bien, elle n'avait pas encore pu se rendre compte de ma personnalité puisque nous n'avions quasiment pas échangé de paroles.

 

Nathan me prit si brusquement par le bras que je lâchais mes fleurs qui s'éparpillèrent sur l'herbe. Après tout, c'était peut-être mieux ainsi.


A SUIVRE...



 

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