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Les scribouilles

écriture (notes, roman, nouvelles, textes...) lecture et curiosités en partage

Tu n'étais pas là.

 

 

Tu n'étais pas là...

2008

 

 

 

 

 

Tous droits réservés

 

 

 

 

 

 

Je sais.

 

J'aurais du descendre du train Corail Intercités comme convenu, en gare de Rouen Rive Droite.

 

J'aurais du marché sur le quai, d'un pas pressé, pour gagner l'extérieur et respirer l'air de la ville.

 

Le long trajet dans le compartiment m'aurait engourdie, quelques pas dans les rues m'auraient fait le plus grand bien.

 

J'aurais du aller directement à l'adresse du rendez-vous, comme il était prévu.

 

Je sais. J'aurais du.

 

 

Mais, à l'annonce de l'approche de la gare, je ne savais plus rien.

 

Mémoire vidée, effacée, formatée.

 

Juste que je n'avais plus qu'une envie : continuer la route, continuer à suivre les rails vers ce que je ne connaissais pas encore.

 

Qu'allais-je trouver ? Que pouvait-il y avoir au-delà du chemin ?

 

Toi ? Moi ?

 

Une chance de gagner enfin au grand jeu cruel ?

 

Et après ? Qu'est ce qu'il y aurait ?

 

Les portes du train se sont refermées. J'ai écouté l'annonce du départ dans une brume auditive, déconnectée.

 

J'ai regardé défiler les gares, tour à tour petites et charmantes, tour à tour froides et distantes.

 

 

Le siège à mes côtés était resté vide depuis Paris.

Tu n'étais pas là.

 

Gare d'Yvetot.

Gare du Havre, le train était arrivé à son terminus.

 

Bien forcée de descendre : les trains ne traversent pas les mers ni ne sillonnent les cieux. On leur a  rogné les ailes, probablement un jour de colère.

 

J'ai alors gagné le quai, sautant prestement les dernières marches en fer du wagon.

 

Je me suis tournée de tous côtés, scrutant le quai et les passagers esseulés ou accueillis par des sourires et des accolades affectueuses.

 

J'ai patienté un peu et, résignée, je me suis rendu à l'évidence : tu n'étais pas là.

 

Peut-être m'attendais-tu au café jouxtant la gare, frigorifié de rester statique dans le froid de cet hiver qui n'en finissait plus ?

 

Je suis entrée dans l'établissement et j'ai commandé un « expresso bien serré, pas de sucre et avec un verre d'eau, merci » et j'ai attendu.

 

J'ai trouvé le temps long, très long, trop long et j'ai compris... tu ne serais pas là non plus.

 

 

Je n'avais plus qu'à repartir à ta recherche en faisant confiance à mon instinct pour te retrouver dans cette ville inconnue.

 

Les cris des mouettes, l'air iodé, les rues menant à une destination secrète connue de toi seul... comme tout cela était excitant !

 

Avais-tu décidé d'un parcours initiatique pour me permettre de connaître la vérité et enfin, faire ta connaissance ?

 

Une avenue, une rue, une impasse, il fallait faire demi-tour, prendre ce boulevard et continuer, droit devant, vers la grève.

 

C'était ici.

 

J'ai observé les galets ronds, la plage désertée, la mer grise qui se confondait au loin avec la couleur uniforme du ciel.

 

J'ai regardé, écarquillant les yeux à m'en faire mal, priant pour ne négliger aucun détail, aucun témoignage de ta présence en ce lieu.

 

 Mais tu n'étais pas là.

 

Il me fallait encore avancer, aller plus loin pour mériter de savoir et te rencontrer.

 

J'ai retiré mon manteau que j'ai soigneusement plié sur le sol irrégulier de la plage. J'ai posé mon portable à côté, coincé entre deux gros galets  à la teinte anthracite.

 

Je suis entrée dans la mer, prudemment, frissonnant sous l'assaut des vagues glaciales.

Les yeux baissés, j'ai observé, curieuse, l'eau atteindre ma taille, le corps engourdi par le froid.

 

J'ai levé les yeux lentement, le cœur subitement enflammé.

J'étais arrivée au bout du périple.

 

Je savais tout dorénavant.

 

Je savais que j'allais voir ta main tendue vers moi, tes yeux rieurs et ton sourire malicieux.

 

Tu étais là.

 

Enfin.

 

 

 

FIN

 

 

 (sur le trajet Paris-Rouen, bande-son : ICI et LA)

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P
Bonjour,Et merci pour tes encouragements sur mon blog. C'est vrai que les bords de Marne sont propices à l'inspiration. C'est drôle parfois les écrits que l'on laisse sur les blogs: tu vois le Martin - Pêcheur que , par conséquent tu connais, il m'est arrivé d'y aller danser ou m'y nourrir d'idées... Pour l'écriture tout est bon. Après il faut juste assembler les mots, les faire se rencontrer quoi.Et toi tu te nourris de quoi? Car même si la Marne n'est plus là, apparemment tu noircis toujours la page.Belle fin de journée à toi.Philippe.
S
<br /> Bonsoir,<br /> <br /> Et oui, même si je n'ai plus les îles sous les yeux, je puise l'inspiration ailleurs : mes proches, les gens que je croise, ma nouvelle ville d'adoption avec sa forêt, ses étangs, ses<br /> nombreux contrastes et beaucoup de rêves! Finalement, mon inspiration réside surtout dans mon imaginaire, rires!!!<br /> <br /> Bonne fin de journée!<br /> Sandy<br /> <br /> <br />
P
Bonjour,De passage entre les lignes, j'ai entr'aperçu quelques images fugaces mais somme toute bien littéraires. Ecrire est un plaisir, voir une drogue, le faire partager n'est pas innocent. Cela laisse toujours des traces, même lorsque de l'encre en fin d'existence ne subsiste que des traces.La ballade au fil des mots aura été, et restera.Merci pour l' (cet) instant.
S
<br /> Bonsoir, Voilà un bien joli commentaire, rondement mené pour mon humble écrit!!! Faire partager...c'est exactement cela, faire partager une histoire, une vision et c'est tout... Voilà. Bonne<br /> soirée, voisin ;-) Sandy<br /> <br /> <br />
P
Très beau texte. On ressent les sentiments de l'héroïne. On vit avec elle, on s'avance avec elle dans la mer. On sent son désarroi et son bonheur de LE retrouver.<br /> Je pense qu'il est plus facile d'écrire des textes tristes que gais. On me "reproche" que mes histoires finissent mal. Comme fin, ici, nous sommes servis. On voudrait la retenir votre héroïne, lui dire qu'il en existe d'autres que LUI.<br /> Votre texte est vrai. Bravo.
S
<br /> Merci pour votre analyse de ce texte.<br /> Je ne sais pas s'il est plus facile d'écrire des textes tristes que gais mais la tragédie et le drame touchent vite au coeur. Il n'y a qu'à considérer les opéras : les livrets proposent des<br /> histoires tragiques, profondes mais qui transportent l'auditeur...<br /> <br /> <br />
C
Je crois que nous avons en lisant ce texte Imaginés plein de personnages..Aurions nous un esprit trop vagabond ?le relirons en le décortiquant....Bonne soirèe
S
<br /> Bonjour,<br /> Votre commentaire est intéressant. Ce texte est volontairement resté assez flou pour permettre une interprétation personnelle au lecteur... si votre esprit à vagabonder à sa lecture, c'était le but<br /> recherché. N'hésitez pas à me communiquer les personnages que vous y avez placé!<br /> Bonne journée<br /> <br /> <br />